La danse est morte, vive la danse !

(ou comment transmettre la danse avec l’aide de l’écriture)

De Genève à Delémont, dès le XVIIIe et jusqu’au XXe siècle, même les cours de danse sont surveillés, limités, et parfois interdits. La danse hors contrôle est menaçante lorsqu’elle ne s’inscrit pas dans une politique précise, ou que sa fonction n’est pas très clairement compréhensible. L’écrire pourrait rassurer, puisqu’alors elle semblerait maîtrisée. Louis XIV, jeune monarque aimant les arts, avait pourtant supposé que la pratique de la danse était positive, et le rapprochement des corps, fructueux — y compris pour des questions politiques. La danse était à ses yeux un excellent moyen de représentation de soi et de consolidation de son propre pouvoir, aussi il avait institué une académie de la danse dédiée à la transmission de la danse. Cette académie devait développer un style national, et le divulguer. C’est ainsi qu’il avait soutenu une invention : la chorégraphie, ou l’art d’écrire la danse. Cette écriture avait cerné la belle danse, ce style noble et charmant, mais n’avait pas réalisé toutes ses promesses. Car la danse, même sous l’égide d’un despote, avait échappé au carcan des normes et des contraintes. D’ailleurs, dès le milieu du XVIIIe siècle, les formes dansées deviennent plus démocratiques. Des danses de couples et de présentation, on passe aux danses ludiques de groupe : quadrilles ou contredanses. Ces formes se notent elles aussi : soit avec quelques traits soit à l’aide d’explications soutenues par une partition musicale. Mais les contredanses annoncent la fin de la danse d’apparat ; et avec elle, la séparation entre la danse sociale et la danse spectaculaire se cristallise. Plus tard, à l’orée de la Seconde Guerre mondiale, d’autres formes de notation se développent : celle de Rudolph Laban a pour objectif de décrire toute forme de mouvement.