(ou comment certains penseurs envisagent la danse au-delà des préjugés)
Jean-Jacques Rousseau, en novateur, défend l’idée d’une danse populaire et saine : « La danse est une inspiration de la nature, et la nature n’a jamais tort, il ne s’agit que de la régler [...]. Pourquoi, dites-vous, faire apprendre à des filles et à des garçons, ce qui leur sera défendu étant mariés ? Parce qu’il faut nécessairement que des filles et des garçons vivent autrement que des maris et des femmes ; parce qu’étant mariés ils n’auront plus besoin de se marier. Parce que les inclinations de chaque âge demandent des amusements différents. Parce que des raisons de santé veulent qu’on laisse livrer la jeunesse aux exercices que la nature leur demande. Il y a un temps pour être jeune, l’auteur de la nature le veut ainsi ; c’est une injustice et une dureté d’ôter à la jeunesse les amusements de son âge, et c’est mal raisonner de les en priver parce que cet âge ne durera pas toujours. » Jean-Jacques Rousseau, « Lettre XVIII », in Lettres, Tome 1, 1728-1758, Œuvres complètes, édition thématique du tricentenaire, Raymond Trousson et Frédéric S. Eigeldinger dir., Genève, Slatkine, 2012, p.597. Rousseau défend un projet de société respectueux de la nature humaine et de ses différents âges, et en particulier la pratique la plus démocratique de la danse : le bal. Cependant, par-delà ses écrits, la crainte des débordements ne disparaît pas. Partout en Suisse romande, pour diverses raisons, le bal en particulier continue en effet d’être réprimé au XIXe et au XXe siècle. Et, tout à la fois, il devient un événement des plus prisés. Pour le meilleur et pour le pire, il est décliné très diversement pour les aristocrates, les bourgeois, et les autres. Ainsi la danse comme son écriture, alors qu’elles sont potentiellement propices aux rencontres, sont aussi des moyens d’exclusion.