Que l’image libératoire de ces femmes reste gravée. Oui, en son temps, Émile Jaques-Dalcroze mène sans aucun doute des recherches gaies, inventives, prometteuses d’un épanouissement de l’esprit comme du corps. Par son travail, il influence la danse moderne et contemporaine.
Pourtant cette filiation n’est ni très étudiée ni très valorisée. À Genève, tout au contraire, ce sont les oppositions entre la danse et la rythmique que l’on souligne le plus souvent ; et les sphères d’activités des uns restent d’ailleurs presque toujours pieusement respectées par les autres. Les clivages s’expliquent sans doute moins par les différences initiales dans la pratique que par les raideurs qui se sont instaurées, avec le temps, ou par les théories des uns ou des autres. Et pourtant, les théories elles-mêmes ne rêvent-elles pas d’une certaine souplesse ?
« La multiplicité des sentiments humains à exprimer exige la multiplicité des moyens physiques d’expression. Ceux-ci ne s’uniront et ne se combineront utilement pour l’expression de la pensée que lorsqu’ils auront été isolément développés. Il faut arriver grâce à une gymnastique spéciale à garantir à chaque muscle isolé la faculté d’agir (se tendre et se détendre) à volonté, comme de rester neutre lorsque son action n’est pas nécessaire à l’ensemble des mouvements. Un des meilleurs moyens d’assurer l’indépendance de chaque mouvement isolé nous parait d’en provoquer la conscience en l’exerçant simultanément avec d’autres membres et avec d’autres mouvements contrastants dont il ne doit pas subir l’influence réflexe. Il s’agit de canaliser les forces vives de l’être humain, de les disputer aux courants inconscients et de les orienter vers un but défini qui est la vie ordonnée, intelligente et indépendante. » Méthode Jaques-Dalcroze, 1re partie, volume 1, Paris, Neuchâtel, Leipzig, Sandoz, Jobin et cie, 1913, p. VIII.
Le corps et l’esprit souvent sont cultivés parallèlement, à l’intérieur des sphères d’influence, ou à leur périphérie.