Danseurs de noce

Aldegrever, Heinrich, Les danseurs de noce, planche 5, 1535 © Droits réservés, Musée d'Art et d'Histoire, Ville de Genève. Cote : E 2013-0838-005
Aldegrever, Heinrich, Les danseurs de noce, planche 5, 1535 © Droits réservés, Musée d'Art et d'Histoire, Ville de Genève. Cote : E 2013-0838-005

La gravure représente un couple dont les attributs traduisent la noblesse : épée pour l’homme, bijou et robe longue bordée de fourrure pour la femme. Au premier plan, l’homme, de trois quarts ; en arrière-fond, et de profil, la dame. Elle est enceinte, et si elle veut vraiment faire honneur à sa lignée, elle porte un enfant mâle.

L’homme mène la danse, on le devine à la manière dont il tient la main de son épouse. Cette dernière s’est placée à la gauche de son mari comme il se doit (on retrouve cette indication dans les traités de bonne conduite, dans les traités de danse comme dans les partitions chorégraphiques).

À observer les pieds des deux danseurs, on le devine : le couple interprète une danse « basse », dont les pas se font au sol, glissés, ou marchés, mais certainement pas sautés. La danse « basse » correspond aux descriptions de danses que l’on trouve dans les traités de danse, écrites pour garantir une continuité dans la tradition chorégraphique la plus prestigieuse. Si c’est la danse « basse » qui est le mieux acceptée et la plus cultivée, dans les classes privilégiées, durant l’Ancien Régime, c’est qu’elle a une fonction de présentation de soi. Elle est lente, grave, et elle peut avoir une forme de complexité mathématique. La danse « basse » s’articule en effet avec la musique sans nécessairement la mimer ; et dans certaines formes, elle implique des enchaînements de pas qui nécessitent une bonne mémoire. La danse « basse » est ainsi une danse cultivée. Mais c’est aussi la seule qui permet de démontrer sa noblesse et d’en porter les attributs : pour la femme, la traîne, pour l'homme, l’épée.

La danse « basse » s’oppose à la danse « haute », qui, elle, est rapide, sautée et virtuose. La danse « haute » est réservée aux fous du roi, aux saltimbanques et autres maîtres de danse dont la fonction est probablement proche de celle de valet. La danse « haute » peut aussi être théâtrale, et servir à représenter des personnages merveilleux, ou endiablés. Dans cette mesure, elle peut parfois aussi être l’apanage de jeunes nobles.

Selon les traités, aucune danse n’est tout à fait vaine. Elle sert à valoriser une principauté (celle qui organise le bal), une communauté (celle qui est invitée au bal), et une lignée : celle qui est représentée par le couple en train de danser. Et en effet, le couple gravé par Aldegrever est tout à fait digne et prometteur.