Règlement valaisan

Statut de la municipalité de Val d'Illiez, 1881 © Droits réservés, Archives de l'État du Valais. Cote : AC Val-d'Illiez, B 1/5
Statut de la municipalité de Val d'Illiez, 1881 © Droits réservés, Archives de l'État du Valais. Cote : AC Val-d'Illiez, B 1/5

La transcription du document manuscrit a impliqué quelques corrections (orthographe, syntaxe, ponctuation). Elle cherche néanmoins à être fidèle au contenu du texte.

« La municipalité de la Vallée d’Illiez ayant sérieusement réfléchi et considéré que le plus important de ses devoirs est de s’employer de toutes ses forces, conjointement avec Révérand pasteur, pour réprimer et empêcher les désordres, les abus et les scandales qui augmentent de plus en plus dans la paroisse et qui prennent pour la plupart leur origine et leur source empoisonnée dans la danse, la crapule et les assemblées qui se forment et se tiennent de jour et de nuit dans différentes maisons, greniers et autres bâtiments, par des troupes de libertins de l’un et l’autre sexe sans religion, sans honneur et à ce qu’il paraît sans âme. Lesdits officiers municipaux gémissant sur les malheurs qu’une telle conduite déréglée ne saurait manquer d’attirer sur la paroisse, tant pour la ruine des biens temporels que pour la damnation de ceux qui s’y laissent entraîner, et désirant sincèrement y apporter remède, ont résolu et arrêté ce qui suit.

1° Que tous ceux qui dorénavant seront convaincus de s’être trouvés dans quelque assemblée que ce soit de jour ou de nuit dans quelque espèce de bâtiment que ce puisse être, où on aura dansé peu ou beaucoup, tous ceux à qui on fait des aumônes de la commune, comme souliers, sel, et autres, en seront absolument exclus et privés entièrement, sans qu’on leur donne la moindre chose des charités publiques : et tous ceux qui ne reçoivent pas de ces sortes de charités et qui se trouveront dans ces assemblées seront poursuivis sans rémission par l’amende de quatre francs pour chaque individu et pour chaque fois payables. 2° Que tous ceux qui permettent ces assemblées dans leurs maisons, greniers ou granges, et ceux qui favorisent la danse par leur chant ou instruments, soit violons ou autres, seront punis du double ; et quand même on ne danserait point dans ces assemblées, tous ceux qui s’y trouveront, si elles sont suspectes, dangereuses ou scandaleuses, entre personnes de différents sexes, pour boire ou crapuler, seront punis des mêmes peines, et ceux qui les souffriront dans leurs bâtiments, paieront le double.
3° Que les pères et mères seront punis et paieront pour leurs enfants, à moins qu’ils puissent faire constater que pour cette même fois, ils les ont avertis et qu’ils y sont allés malgré eux. 4° Afin que chacun s’intéresse à déraciner ces abus pernicieux, la municipalité promet un écu neuf à tous ceux qui accuseront les transgresseurs de ce règlement d’une manière à pouvoir punir les coupables. Finalement il a été conclu en même temps que les amendes qu’on retirera des transgresseurs seront employées à acheter de la cire ou de l'huile pour les luminaires, ou pour d’autres réparations nécessaires à l’Église. Ainsi a été arrêté et ordonné pour la municipalité, de concert avec les régisseurs de la commune dans l’assemblée du 18 janvier 1801, en foi Jean-Claude Marclay not[aire] et secr[étaire] impl., Joseph-Antoine Durier président.

Le règlement fut approuvé par la chambre administrative le 18 avril 1801, par le Révérendissime Évêque le 20 avril 1801, ensuite par le Conseil d’État le 5 novembre 1802. Le préfet de ce département par son instruction aux maires du 17 juillet 1811 déclare que les anciens règlements de la commune doivent continuer à recevoir leurs exécutions, le présent règlement doit donc encore avoir son effet. Pour foi, Defagoz, maire. Arrêté de la municipalité du 18 janvier 1801 sur la correction des abus. 1811, juillet, 17. »

Le manuscrit valaisan n’est de loin pas l’unique pièce, en Suisse romande, a évoquer la limitation ou l’interdiction de la danse. Il est seulement d’un radicalisme rare pour ce qui est du jugement des danseurs. Les termes de « libertins de l’un et l’autre sexe sans religion, sans honneur et à ce qu’il paraît sans âme » sont durs au point d’être comiques. D’autres pièces rédigées à une date très similaire utilisent un langage plus prudent et plus nuancé, telle la lettre adressée par le Conseil d’Etat du Canton de Fribourg à la Direction de la Police, qui ne parle d’interdiction que dans la vague idée (paternaliste) d’éviter à la population des « récréations » qui « pourraient donner lieu à des abus ».