Dévolue à l’écriture de la danse en Suisse, cette exposition présente écrits et documents iconographiques remarquables, détenus dans des bibliothèques ou des archives de Romandie. Elle interpelle :
Comment s’explique la limitation ou l’interdiction de la danse en Suisse ?
Comment cette limitation et cette interdiction renseignent néanmoins les pratiques chorégraphiques ?
Comment d’autres images, réalistes ou oniriques, parviennent à démontrer que la danse, elle-même, est une trace, celle d’un élan toujours renouvelé ?
Vernissage le mercredi 5 mai, 17:30
Dans le cadre de la Fête de la danse :
Prix Swiss Dance Heritage de l’Office fédéral de la Culture cofinancement de la Loterie romande.
(ou comment limiter la danse et ses « art funestes conséquences »)
La danse qui exprime la joie, comme elle est belle, et louable ! D’ailleurs, les mariages ne peuvent s’en passer. Elle pose néanmoins problème du point de vue des autorités protestantes, catholiques ou laïques car elle distrait de la foi, et entraîne les danseurs à des conduites taboues : boisson, séduction, sexualité. Sans parler des conséquences longtemps prises pour funestes, comme les grossesses hors mariage. Ainsi, pour pallier les problèmes qui pourraient découler de la danse, les Églises et les États associent leurs efforts. Les premières produisent des pamphlets, les seconds des textes de loi. En conséquence, depuis la chaire ou le tribunal, de Genève à Martigny, dès le XVIe siècle, il est arrivé d’être condamné pour avoir trop dansé. Et toujours dans les années 2012, les cantons de Neuchâtel ou de Schaffhouse, notamment pendant certaines fêtes religieuses, proscrivent l’usage de la danse. En somme, sur le territoire helvétique, le jeu des corps fait peur. Il convient donc de le contenir. Et danser est envisageable, mais pour autant que cela se fasse dans le respect de l’ordre moral et social. Ainsi, écrire la danse, c’est avant tout la limiter voire la proscrire. Cela dit, des images et des témoignages divers de carnavals ou d’autres fêtes dansées sont détenues dans les lieux de conservation. Certes, ces documents ne témoignent pas toujours de réalités locales. Néanmoins, ils démontrent que les interdictions et les limitations de la danse n’ont jamais tout à fait empêché de la pratiquer... ou de l’inscrire dans les imaginaires.
Gheyn II, Jacob, Couple et jeune homme masqué, 1600 © Droits réservés, Musée d'Art et d'Histoire, Ville de Genève. Cote : E 2013-0661-004
La gravure de Jacob Gheyn II ouvre l’exposition Interscrire la danse : elle est là pour poser quelques questions.
D’abord, la danse est-elle propice à la dissimulation de l’identité ? On peut se le demander, parce qu’en dansant, le mouvement du corps est en avant plutôt que le visage et la parole. Sans compter que les visages des danseurs sont parfois cachés par des masques. Ainsi, la danse suppose peut-être une forme très particulière d’abandon de soi.
Ensuite, la danse suppose-t-elle une invitation à relativiser les liens sociaux ? Cette seconde question se pose également face à la gravure de Jacob Gheyn II, car c’est un trio qui y est dépeint, et la composition est ici faite d’un couple et d’un·e intrus·e. L’homme et la femme du couple se tiennent côte à côte et dos aux spectateurs ; l’intrus·e leur fait face, et a un cœur dessiné sur le dos de sa main droite tandis que sa main gauche invite quelqu’un, mais qui ? à sortir du cercle dansant. En somme, la scène pourrait bien exemplifier que la danse peut non seulement faire trembler les couples sur leurs bases, mais aussi fissurer les normes sociales : en dansant, il s’agit précisément de se détacher des rôles et des genres assumés socialement, et d’entrer dans un jeu de séduction très ouvert, avec les partenaires, comme avec le public.
Enfin, la danse, potentiellement favorable à la dissimulation de soi comme à la dissolution des mœurs, pourrait-elle déboucher sur un châtiment divin ? C’est peut-être ce qu’annonce le nez postiche du personnage masculin qui se trouve tout à droite de la gravure. La granulosité de ce nez pourrait en effet renvoyer à la petite vérole.
En somme, la première image de l’exposition Interscrire la danse en annonce tous les enjeux : questionner la danse comme objet et comme sujet de représentation. Ces représentations, inscriptions ou interdictions, idéalisent des arts chorégraphiques, puis les dénoncent ; les définissent puis les remettent en question… et, ensemble, elles en font un éloge qui n’est pas sans paradoxes.
Statut de la municipalité de Val d'Illiez, 1881 © Droits réservés, Archives de l'État du Valais. Cote : AC Val-d'Illiez, B 1/5
La transcription du document manuscrit a impliqué quelques corrections (orthographe, syntaxe, ponctuation). Elle cherche néanmoins à être fidèle au contenu du texte.
« La municipalité de la Vallée d’Illiez ayant sérieusement réfléchi et considéré que le plus important de ses devoirs est de s’employer de toutes ses forces, conjointement avec Révérand pasteur, pour réprimer et empêcher les désordres, les abus et les scandales qui augmentent de plus en plus dans la paroisse et qui prennent pour la plupart leur origine et leur source empoisonnée dans la danse, la crapule et les assemblées qui se forment et se tiennent de jour et de nuit dans différentes maisons, greniers et autres bâtiments, par des troupes de libertins de l’un et l’autre sexe sans religion, sans honneur et à ce qu’il paraît sans âme. Lesdits officiers municipaux gémissant sur les malheurs qu’une telle conduite déréglée ne saurait manquer d’attirer sur la paroisse, tant pour la ruine des biens temporels que pour la damnation de ceux qui s’y laissent entraîner, et désirant sincèrement y apporter remède, ont résolu et arrêté ce qui suit.
1° Que tous ceux qui dorénavant seront convaincus de s’être trouvés dans quelque assemblée que ce soit de jour ou de nuit dans quelque espèce de bâtiment que ce puisse être, où on aura dansé peu ou beaucoup, tous ceux à qui on fait des aumônes de la commune, comme souliers, sel, et autres, en seront absolument exclus et privés entièrement, sans qu’on leur donne la moindre chose des charités publiques : et tous ceux qui ne reçoivent pas de ces sortes de charités et qui se trouveront dans ces assemblées seront poursuivis sans rémission par l’amende de quatre francs pour chaque individu et pour chaque fois payables.
2° Que tous ceux qui permettent ces assemblées dans leurs maisons, greniers ou granges, et ceux qui favorisent la danse par leur chant ou instruments, soit violons ou autres, seront punis du double ; et quand même on ne danserait point dans ces assemblées, tous ceux qui s’y trouveront, si elles sont suspectes, dangereuses ou scandaleuses, entre personnes de différents sexes, pour boire ou crapuler, seront punis des mêmes peines, et ceux qui les souffriront dans leurs bâtiments, paieront le double.
3° Que les pères et mères seront punis et paieront pour leurs enfants, à moins qu’ils puissent faire constater que pour cette même fois, ils les ont avertis et qu’ils y sont allés malgré eux.
4° Afin que chacun s’intéresse à déraciner ces abus pernicieux, la municipalité promet un écu neuf à tous ceux qui accuseront les transgresseurs de ce règlement d’une manière à pouvoir punir les coupables. Finalement il a été conclu en même temps que les amendes qu’on retirera des transgresseurs seront employées à acheter de la cire ou de l'huile pour les luminaires, ou pour d’autres réparations nécessaires à l’Église. Ainsi a été arrêté et ordonné pour la municipalité, de concert avec les régisseurs de la commune dans l’assemblée du 18 janvier 1801, en foi Jean-Claude Marclay not[aire] et secr[étaire] impl., Joseph-Antoine Durier président.
Le règlement fut approuvé par la chambre administrative le 18 avril 1801, par le Révérendissime Évêque le 20 avril 1801, ensuite par le Conseil d’État le 5 novembre 1802. Le préfet de ce département par son instruction aux maires du 17 juillet 1811 déclare que les anciens règlements de la commune doivent continuer à recevoir leurs exécutions, le présent règlement doit donc encore avoir son effet. Pour foi, Defagoz, maire. Arrêté de la municipalité du 18 janvier 1801 sur la correction des abus. 1811, juillet, 17. »
Le manuscrit valaisan n’est de loin pas l’unique pièce, en Suisse romande, a évoquer la limitation ou l’interdiction de la danse. Il est seulement d’un radicalisme rare pour ce qui est du jugement des danseurs. Les termes de « libertins de l’un et l’autre sexe sans religion, sans honneur et à ce qu’il paraît sans âme » sont durs au point d’être comiques. D’autres pièces rédigées à une date très similaire utilisent un langage plus prudent et plus nuancé, telle la lettre adressée par le Conseil d’Etat du Canton de Fribourg à la Direction de la Police, qui ne parle d’interdiction que dans la vague idée (paternaliste) d’éviter à la population des « récréations » qui « pourraient donner lieu à des abus ».
Aldegrever, Heinrich, Les danseurs de noce, planche 5, 1535 © Droits réservés, Musée d'Art et d'Histoire, Ville de Genève. Cote : E 2013-0838-005
La gravure représente un couple dont les attributs traduisent la noblesse : épée pour l’homme, bijou et robe longue bordée de fourrure pour la femme. Au premier plan, l’homme, de trois quarts ; en arrière-fond, et de profil, la dame. Elle est enceinte, et si elle veut vraiment faire honneur à sa lignée, elle porte un enfant mâle.
L’homme mène la danse, on le devine à la manière dont il tient la main de son épouse. Cette dernière s’est placée à la gauche de son mari comme il se doit (on retrouve cette indication dans les traités de bonne conduite, dans les traités de danse comme dans les partitions chorégraphiques).
À observer les pieds des deux danseurs, on le devine : le couple interprète une danse « basse », dont les pas se font au sol, glissés, ou marchés, mais certainement pas sautés. La danse « basse » correspond aux descriptions de danses que l’on trouve dans les traités de danse, écrites pour garantir une continuité dans la tradition chorégraphique la plus prestigieuse. Si c’est la danse « basse » qui est le mieux acceptée et la plus cultivée, dans les classes privilégiées, durant l’Ancien Régime, c’est qu’elle a une fonction de présentation de soi. Elle est lente, grave, et elle peut avoir une forme de complexité mathématique. La danse « basse » s’articule en effet avec la musique sans nécessairement la mimer ; et dans certaines formes, elle implique des enchaînements de pas qui nécessitent une bonne mémoire. La danse « basse » est ainsi une danse cultivée. Mais c’est aussi la seule qui permet de démontrer sa noblesse et d’en porter les attributs : pour la femme, la traîne, pour l'homme, l’épée.
La danse « basse » s’oppose à la danse « haute », qui, elle, est rapide, sautée et virtuose. La danse « haute » est réservée aux fous du roi, aux saltimbanques et autres maîtres de danse dont la fonction est probablement proche de celle de valet. La danse « haute » peut aussi être théâtrale, et servir à représenter des personnages merveilleux, ou endiablés. Dans cette mesure, elle peut parfois aussi être l’apanage de jeunes nobles.
Selon les traités, aucune danse n’est tout à fait vaine. Elle sert à valoriser une principauté (celle qui organise le bal), une communauté (celle qui est invitée au bal), et une lignée : celle qui est représentée par le couple en train de danser. Et en effet, le couple gravé par Aldegrever est tout à fait digne et prometteur.
Hamel, Victor, Le retour du bal masqué, 1869 © Droits réservés, Musée d'Art et d'Histoire, Ville de Genève. Cote : E 2015-0436-035
Tout à l’inverse des Danseurs de noce de Heinrich Aldegrever, cette gravure montre que la danse peut être le moyen non pas de démontrer son haut rang ou sa conformité sociale, mais de se débaucher.
Pour s’être endormi sans même avoir retiré ses chaussures et son masque, le danseur représenté sur la gravure de Victor Hamel a sans aucun doute abusé de danse — et d’autres choses. Qui se cache donc sous le déguisement, quel âge a cette personne ? Quel visage se dissimule derrière le nez si busqué et le sourire tellement satisfait ?
Si l’habit nous parle d’un honorable statut, la canne, qui a chuté au sol, intrigue. Elle semble de peu de prix. Sans compter que le décor laisse penser que l’homme n’est pas dans son salon mais plutôt dans son atelier. Serait-ce un autoportrait ?
Pourquoi se montrer non pas dansant, mais Après le bal ?
Anonyme, Interrogatoires d’un habitant de Valleiry, 1560 © Droits réservés, Archives d’État de Genève. Cote : Fonds Châtelleni de Chapitre, SL 5e épi R, Jur. Pen. Ld 128
Les Interrogatoires d’un habitant de Valleiry accusé d'avoir reçu la Cène malgré l'interdiction qui lui en avait été faite à deux reprises par le Consistoire, en punition de ses fautes, la première fois pour paillardise, la seconde pour avoir dansé est un des documents les plus anciens référencés par le catalogue Cadanse. Il adopte une graphie peu lisible aujourd’hui, aussi il ne révèle pas d’emblée tous ses secrets. Il n’empêche que le seul titre du document démontre qu’à Genève, en 1560, la danse fait partie des fautes graves. Trop danser ou le faire mal à propos peut mener les habitants du canton du bout du lac à être exclus de la table de la Cène. Confirmant les préjugés, le document démontre en somme que les lois sont sévères et restrictives en matière d’amusements, aux alentours de 1560, dans la cité de Calvin. Pour autant, le document permet peut-être aussi de relativiser les préjugés. D’abord, il démontre que les entorses à la loi n’ont jamais manqué. En effet, l’habitant de Valleiry cumule à lui seul la débauche, la dansomanie et l’insoumission — puisqu’il se dérobe à l’autorité ecclésiastique et se joint à l’assemblée, pour la Cène. Ensuite, mis en contexte, les Interrogatoires permettent de penser que « l’habitant de Valleiry » est au fond un homme ordinaire qui sait simplement donner la priorité à l’expression de sa joie de vivre sans craindre le courroux ni des Hommes ni de Dieu. Car de fait, ils révèlent que « l’habitant » n’est pas seul à « fauter », à son époque.
Dans les Archives d’État de Neuchâtel, on trouve en effet un autre texte qui révèle que certains pouvaient être punis pour avoir dansé, dans la seconde moitié du XVIe siècle. En l’occurrence, ce qui est remarquable, c’est qu’il y a eu délation. Les autorités ne sont donc pas seules responsables de la condamnation de la danse. Par leurs lois, elles appliquent peut-être simplement des principes qui sont largement partagés, et qui veulent que le respect de la morale prévale sur celui de la liberté de danser. Le texte a entièrement été retranscrit par Océane Marie Brigitte, étudiante de l'Université de Genève:
Témoins examinés en secret au lieu du Locle contre maître Jehan Marchand ministre 1587.
Témoins examinés en secret au lieu du Locle à l’instance des honorables Damian Cornu, procureur en la seigneurie de Vallngin, et de Abraham Cugniet, lieutenant en la justice dudit lieu comme charge ayant de la seigneurie, et est-ce d’être à l’encontre de maître Jehan Marchand.
Premièrement en a été demandé à George Cosandier demeurant audit Locle, lequel avait fait le serment à lui vie comme en tel cas est requis, a dit et rapporté que par un jour il se trouva en la cherrière avec ledit maître Jehan, dont ledit déposant lui dit : « comment maître Jehan estes-vous fâché ? », il lui répondit et dit : « j’avais marchandé Benoist Jehannet vôtre beau-frère et Claude vieille Jehan pour me tenir ma charrue et ils sont allés es vignes et suis sans ouvriers, dont il m’en vient mal/malheur je voudrais que celui qui promet tint et plus n’en dit.
Othenin Pyod a rapporté qu’étant par un jour vers chez Perrey, il vit ledit maître Jehan qui allait trébuchant par le chemin de la Groye, et, étant un peu avant, il se coucha et ledit déposant et Teyvet son frère étant soupés allèrent avec Guillaume Regnaud vers ledit Jehan Marchand, et, étant vers lui, ledit déposant l’empoigna par la main et lui aida à se lever et allèrent avec lui jusques en la cherrière et en allant qu’ils faisaient rencontrèrent une planche, et lui voulant aider à passer, il leur dit : « laisse-moi aller, je passerai bien », et passa ladite planche. Or étant venus jusques en ladite cherrière ledit déposant lui dit : « s’il-vous plaît, nous vous ramènerons jusques en la cure ». Il leur répondit : « Je m’en irai bien, je viens de noces, nous avons trouvé de bon vin et avons bien bu, je vous prie ne m’accuser car j’aimerais mieux que vous me dites brigants de bois que m’avoir ainsi trouvé, mais je vous prie venir souper avec moi. Ledit Teyvet Pyod en a rapporté en même substance comme ledit Othenin son frère, hormis qu’il n’a point parlé de souper.
Madelaine, femme de Lyenard, ou Gommung, a rapporté que pour un jour, étant sur loge de chez Monsieur le maire du Locle, elle vit un bourguignon qui vint demander de la graine en la maison dudit maître Jehan et que la femme dudit maître Jehan lui en bailla dans une écuelle icelluy. Maître Jehan, sortant hors de la maison, dit « si tous les pauvres étaient pendus, les laboureurs seraient bien aises ». Ladite déposante dit : « Las ! Dieu nous en défende ».
La Rose femme de Pierre Gandet en a rapporté en même substance comme ladite Madelaine l'a dit et déclaré.
Elysabet, relicte de feu Jehan des Combes, a rapporté qu'elle n'était pas souvenante avoir ouï les paroles.
Item mais en a été demandé à honorable Jehan Callame, clerc, qu'a rapporté que le soir des noces de son fils, maître Jehan Marchand et monsieur le maire s'en voulant aller, ledit déposant prit un pot de vin et un plat de beignets et leur voulait dire adieu, mais il ne vit point de dance car il rentra incontinent en la maison.
David Montandon a dit et rapporté qu'en s'en venant desdites noces il vit maître Jehan Marchand appondu en la dance avec une compagnie qui dansaient avec fifres et tambourin, mais il ne vit point de meshus ni de vin ni de beignets.
Jehan, fils de Claude Callame, dit Rosset, a rapporté qu'en s'en venant desdites noces il vit ledit Maître Jehan qui dansait avec des autres au fifres et tambourin et qu'il y avait des beignets en la place, mais il ne vit personne qui en fit meshus.
Jacques Montandon, dit Clerc, a rapporté qu'il avait vu voirement ledit maître Jehan appondu qui dansait avec les autres.
Rapport de moi Daniel Perret-Gentil sur l’inquisition contre maître Jehan Marchand
Le soir des noces du fils de Jehan Callame, clerc, sortant de la maison des noces je trouvai maître Jehan Marchand auquel je dis s’il s’en voulait venir. Il me dit qu’oui. Ainsi nous en vînmes lui, le sautier du Locle et moi. Or quand nous fûmes deçà de ladite maison des noces, on nous suivit avec un pot de vin et nous fit en boire. Cependant que buvions, le fifre et tambourin des noces menaient à mon avis une dance. Moi au même instant, me détournant, je vis maître Jehan Marchand qui sautait tout seul avec son manteau. Sur ce commença une danse où étaient plusieurs personnes, même une femme, en laquelle danse aussi je vis maître Jehan Marchand, mais je ne sais bonnement lequel de la compagnie tenait ladite femme par la main. Quand ès beignets qu’on dit avoir été épandus, je ne sais pas que j’en visse point pour cette heure-là, mais lendemain matin, retournant par ce lieu, j’en vis qui étaient brisés et épandus par sur la terre.
Davantage, moi ayant certains propos avec lui, il me dit que je n’allais point au prêche. Le sautier du Locle, étant présent, lui répondit qu’il avait tort et qu’il savait bien le contre mêmement prit des témoins en témoignage pour moi. Étant là survenus beaucoup de gens, je lui dis en leur présence qu’il m’avait fait tort de tenir tels propos contre moi et que lui-même savait bien que je fréquentais les prêches diligemment. Sur quoi ledit maître Jehan se mit au chemin devant notre maison et me dit « venez-moi tuer venez-moi tuer ». Jehan Savoye lui dit que je n’étais pas celui qui voulût tuer quelqu’un et qu’il vaudrait mieux tuer un pou. Moi oyant tels propos, je me retirai en la maison et lui s’en retourna en la cure.
Davantage, une fois les gouverneurs du Locle me vinrent demander justice contre ledit maître Jehan pour avoir réparation d’honneur de certaines injures qu’ils disaient il leur avait dit, à savoir qu’ils étaient des larrons. Moi les renvoyant devant la seigneurie, ledit maître Jehan se présenta devant moi et cria merci auxdits gouverneurs qui le pardonnèrent.
Derechef, une fois il vint trouver moi et le sautier. Il nous dit avec assurance que la Bourgogne était pleine de gendarmes qui se voulaient ruer sur nous et qu’ils étaient seulement outre le Doubs. Moi, lui affirmant le contre, il soutenait que son dire était vrai. Alors nous deux, le sautier à sa requête, nous allâmes jusques à Mortault pour savoir la vérité du fait par condition que nous le prions ne bouger du Locle et ne nous laisser avant notre retour, ce qu’il nous promit. Nous, ayant fait ce voyage, n’ayant rien trouvé de fait de guerre, revînmes au Locle, mais nous n’y trouvâmes pas maître Jehan.
Et finalement en a été demandé audit sautier du Locle qu’a rapporté qu'il n'en savait ni plus ni moins que comme ledit sieur maire l'avait dit et rapporté et qu'il était ainsi.
Lequel exament ainsi fait, lesdits sieurs procureur et lieutenant l'ont demandé avoir par écrit, ce que leur a été adjugé par les honorables Jacques Perrellet, Huguenin Perret-Gentil, dit Maillard, Anthoine Montandon et Pierre Humbert jurés audit Locle ce 23e de janvier 1587.
Par commandement dudit sieur maire,
Signé par moi.
Anonyme, Faut-il aller au bal ?, Lille, Maison du bon livre, 1899 © Droits réservés, Bibliothèque cantonale et universitaire, Fribourg. Cote : CAP 10491/3
En 1899, à la question « Faut-il aller au bal? », le curé répond non. L’écrivain qu’est Urbain Olivier le fait encore, mais plus Ramuz. Ce dernier, dans Aline, sans être ni du côté de la morale ni de celui du pragmatisme rousseauiste, dénonce plutôt l’exclusion que cause le bal. Car si des « conséquences funestes » guettent les jeunes amoureux, ce n’est pas tant pour avoir dansé que pour avoir été exclus. C’est en se cachant qu’ils finissent par aller à leur perte, et en rangeant malgré eux leur amour du côté de l’interdit.
La thématique du livre moralisant se retrouve dans d’autres textes, dont des œuvres littéraires romandes. Deux extrait sont cités ici, qui donnent une idée des fondements des interdits, qui sont d’un ordre tout à la fois moral et social.
« À la salle du bal, les jeunes gens étaient joyeux. Ils se livraient au plaisir de la danse avec une sorte d’entraînement frénétique. La foule n’était pas considérable : une cinquantaine de personnes du village et quelques garçons et filles des localités voisines. Villioud se trouvait seul de son hameau assez éloigné. Il arriva de bonne heure chez les Belot, où Lothaire l’avait invité à souper. Jean-Jules Julliard eut d’abord quelque peine à lui céder Cornélie pour les danses promises ; mais comme cela ne peut se refuser sans qu’il en résulte des animosités et que d’ailleurs c’était chose arrangée d’avance, il finit par y consentir sans se faire trop presser. Villioud pouvait aussi être une bonne pratique pour les vaches que Jean-Jules ou son père amèneraient plus tard de Fribourg ou des Ormonts. Donc, il fallait bien se garder de l’empêcher de danser avec Cornélie Belot. Avec Rosette, René se montra parfaitement convenable ; en général, il le fut avec tous dans le commencement de la soirée. On voyait qu’il cherchait à prendre position, ou plutôt à garder celle que lui faisait sa jeune maîtresse en l’acceptant pour son cavalier. Il la céda de bonne grâce à plus d’un qui voulait danser avec elle : à Villioud, à Lothaire, à Julliard qui paraissait y tenir beaucoup, à d’autres encore. Rosette causa un peu avec tous ces garçons et put se convaincre que René était pour le moins aussi intelligent, aussi bien doué qu’aucun d’eux ; que même il s’exprimait mieux. Pour la figure et la tenue, René était sans contredit l’un des plus distingués. Une seule chose fut désagréable à Rosette ; c’était l’air assuré et familier de Jenny lorsqu’il dansait avec elle. On aurait pu penser que Jenny se considérait comme ayant un droit quelconque sur lui. C’est que, il faut le dire, le premier baiser que René lui avait pris au pressoir, pendant les vendanges, avait été suivi de plusieurs autres dans leurs causeries nocturnes. René ne pensait pas qu’il y eût là le moindre mal ; de telles marques d’amitié entre jeunes gens du même village ne tiraient pas, selon lui, à conséquence, et surtout pas avec Jenny Gottrau. Avec Rosette, c’eût été comme le gage d’une affection à la vie et à la mort. Avec Jenny, René pouvait bien rire et s’amuser, causer à la brune, l’embrasser, et cependant songer sérieusement à obtenir Rosette pour sa femme. Il y a des cœurs d’hommes faits comme cela ; il en est de plus méprisables encore, même chez des gens du reste très bien élevés. Au commencement de la soirée, Rosette éprouva une satisfaction réelle à se retrouver avec la jeunesse dont elle avait cessé de faire partie depuis deux ans. De toutes parts on lui témoigna le plaisir d’un retour sur lequel on n’avait pas compté positivement ; elle en fut flattée et jouit de se voir si bien accueillie. On lui sut gré de n’être point fière : une fille aussi riche, qui danse avec le domestique de sa mère, montre par là qu’elle sait estimer les pauvres gens. Il est vrai que René est le neveu d’un oncle dont il sera l’héritier, et cela arrange bien les affaires. Voilà ce que pensaient la plupart des danseurs et des spectateurs. Entre neuf et dix heures, Rosette éprouva tout à coup un vif sentiment de tristesse, à la suite d’une pensée qui lui traversa l’esprit. « Où allons-nous, nous tous qui sommes ici, » s’était-elle dit ; « moi, René et les autres, où allons-nous? Voudrions-nous mourir dans la disposition où nous sommes ? Ah ! non, certainement. » Puis, comme une ombre qui passe, l’image de Charles Maubert accompagnant le cercueil de son père, se présenta devant ses yeux ; elle vit le jeune homme en deuil, brisé de cœur, mais calme et paisible, marcher lentement, tête nue, vers le lieu d’où l’on ne revient plus. Son imagination et sa conscience furent saisies par cette apparition intérieure, à tel point que René dut lui dire deux fois de suite : — C’est à notre tour maintenant ; qu’avez-vous, Rosette, et à quoi pensez-vous ? — Pardon, je songeais, en effet, à quelque chose de bien sérieux. La valse emporta les pensées de la jeune fille. […] A l’horloge du village, dix heures venaient de sonner. Rosette alla prendre un châle déposé à l’auberge et dit à René que c’était l’heure de rentrer à la maison. — Mais nous reviendrons ? — Non, pas moi. — Quel dommage ! enfin, je dois vous obéir. René plaça lui-même le châle sur les épaules de Rosette, lui offrit son bras et s’envint avec elle. Une lune douteuse, blanchâtre, éclairait à demi le ciel, voilé çà et là de nuages gris. En sortant d’une salle de bal, il faisait froid à la rue. — Eh bien, Rosette, regrettez-vous d’être venue avec nous, — avec moi ? dit René en serrant un peu son bras sous le sien. — Non, pas précisément ; j’ai eu du plaisir pendant quelques heures. Cependant, je crois que j’ai dansé aujourd’hui pour la dernière fois. — Ne dites pas une chose pareille ! Pour moi, je n’ai jamais été si heureux que ce soir, ajouta-t-il, et en disant cela, il entoura de son bras gauche la taille de Rosette, qui ne put l’en empêcher. — Vous m’avez promis de m’expliquer ce qui avait pu faire de la peine à ma mère, dans un mot que je prononçai un soir, dit-elle en essayant, mais en vain, d’ôter le bras de René. — Oui, je vous le dirai, à une condition. — Laquelle ? — Celle-ci. Et avant que Rosette pût se couvrir le visage d’une main, René lui avait pris un gros baiser, presque sur les lèvres. — C’est lâche, ce que vous faites, René. Sachez bien que je n’y ai point consenti. Si vous abusez de votre force et de votre position de cette manière, je vous le déclare, il n’y aura jamais d’affection possible entre nous. Je veux pouvoir être confiante, où que nous soyons. Et respectée : entendez-vous ? — J’entends, oui, Rosette, j’entends comme un garçon qui revient de la danse avec une fille qu’il aime, et trop heureux pour ne pas le lui témoigner. […] — Vous êtes le plus fort, soit. Je ne puis me débattre dans la rue. — Vous ferez très bien. Mais ne comprends-tu pas, Rosette, ne sens-tu pas combien je t’aime ? — Non, répondit-elle vertement, comme ils ouvraient la porte de la maison. Je crois, au contraire, que vous ne m’aimez pas comme j’ai besoin d’être aimée, et j’ai le sentiment que vous ne me serez jamais rien de plus. Voilà ce que je pense en ce moment. » Urbain Olivier, Rosette ou la danse au village, Lausanne, Bridel, 1873, « Chapitre XIV, Mauvaise lune », p. 161–168.
La semaine s’écoula. Le dimanche soir, on dansa au village. On avait construit un pont de danse sous les ormes derrière l’auberge. Vers les cinq heures, la musique arriva, et ils étaient six, trois pistons, une clarinette, un bugle et un trombone. Alors, ayant bu un verre pour se donner du souffle, ils s’assirent sur l’estrade enguirlandée et la danse commença. Les gros souliers battaient les planches en mesure ; les musiciens, gonflant leurs joues, regardaient à droite et à gauche sans s’occuper de leur musique, tant ils en avaient l’habitude. On n’entendait de loin que le trombone qui poussait ses grosses notes espacées comme un ronflement ; de plus près, les pistons aigus, mêlés au bruit des pas qui marquaient la cadence, faisaient un grand tapage. Après chaque danse, les musiciens remplissaient leurs verres qu’ils vidaient d’un seul coup, la foule envahissait l’auberge et les filles avec leurs ceintures de toutes les couleurs se promenaient dans le village. Des drapeaux rouges à croix blanche et d’autres verts et blancs flottaient aux fenêtres de la salle à boire ; il y avait aussi des lanternes de papier pendues au-dessus du perron. Tout autour du rond de danse, les branches de sapin qui sentaient la poix cachaient la charpente. Les enfants tiraient des pétards ; des charrettes aux brancards relevés attendaient devant les maisons ; le crépuscule était rose. Enfin la nuit tomba. Aline et Julien écoutaient de loin la musique. Elle leur arrivait nette et presque indistincte, selon que la brise hésitante la poussait jusqu’à eux ou la laissait retomber. Elle sortait de l’ombre et elle était triste. Julien disait : — Voilà qu’ils dansent une polka… à présent, c’est une valse. Quand même, si on avait pu y aller ! — On ne pouvait pas. — Naturellement. Il reprit : — C’est que c’est bien joli au moins, c’est une bien bonne musique, des gens qui jouent toujours ensemble et qui les savent toutes par cœur. On commence tard, on n’a pas trop chaud. L’aubergiste a du fameux vin. Enfin, voilà ! Ils se turent. À la fin d’un air, la musique cessait ; elle reprenait presque aussitôt ; et, pendant les silences, on entendait des éclats de voix et de gros rires. — Ils ne s’ennuient pas, recommença Julien. — On est encore mieux ici. — Oui, seulement adieu la danse. — Écoute, dit Aline, si on en dansait une ; on entend assez la musique. — Oh ! Allons-y, si tu veux. Elle dit : — Je n’osais pas te le demander. — Pourquoi pas ? — Comme ça. — Comme ça, dit-il, on sera du bal, nous aussi. Ils dansèrent sous le grand poirier. Leurs haleines confondues leur échauffaient le visage. Aline fermait les yeux, la tête appuyée sur l’épaule de Julien ; leurs jambes se mêlaient. Parfois la musique faiblissait et ils piétinaient sur place ; quand elle recommençait, ils tournaient plus rapidement pour rattraper la mesure. Et toute la nuit tournait autour deux, avec le poirier, les collines, le bois, le ciel et les étoiles, comme dans une grande danse du monde. Ils tournèrent ainsi longtemps. Mais Julien glissa sur l’herbe. Il se dit tout à coup que les autres dansaient sur un plancher avec de la lumière et de quoi boire, – eux dans un pré mouillé, sous un arbre, comme des fous. Une espèce de colère lui entra dans le cœur. — J’en ai assez ! — Déjà ? — Déjà ? Il y a un bon quart d’heure qu’on tourne. Ils se regardèrent, ils se voyaient à peine. Des noyers noirs et compacts comme des blocs de rocher fermaient la prairie. Aline dit : — Tu es fâché ? — Oh ! dit-il, c’est la fatigue. Elle soupira. L’orchestre commençait la dernière valse. Le vrai amour ne dure pas longtemps.
Charles-Ferdinand Ramuz, Aline, Paris, Grasset, 1927, p. 65–68.
"La salle du bal donné dans le Petit parc" in Félibien, André, Les divertissemens de Versailles donnez par le Roy, 1676 © MCTS. Bibliothèque publique et universitaire, Neuchâtel. Cote : ZU 388 B
Avec Les divertissemens de Versailles donnez par le Roy, Félibien raconte les fêtes organisées par Louis XIV. Tout à la fois, il ajoute du prestige à la cour de son illustre monarque. D'ailleurs, son livre, à l’image des fêtes qu’il raconte, est grand. L’objet lui-même est donc promis à une place d’honneur sur les rayonnages des bibliothèques. Et en conséquence il peut être exposé, ouvert, sur l’une de ses plus belles pages.
Une des planches portraiture un bal de cour. Elle rappelle d’autres évocations de bals d’apparat, trouvées dans d’autres sources. En étant croisées, ces sources laissent rêver qu’il est possible de se faire une représentation fiable, précise, concrète du déroulement d’un bal royal. Quelques questions demeurent cependant.
Lors du bal de cour représenté par le graveur des Divertissemens, le roi et la reine sont sur leurs trônes, au centre de la première rangée du public. Ils occupent les places de choix et admirent les courtisans qui les honorent de leur danse élégante. Ensuite, des deux côtés, d’une part du roi, d’autre part de la reine, les suivants se sont disposés. Chacun a pris sa place, et chaque place possède sa signification. Ceux qui bénéficient des faveurs des souverains en sont physiquement proches, et ceux qui ne le font pas en sont éloignés. Mais dans la salle, quand donc chacun s’est assis ? Dans l’espace de danse, à en croire Pierre Rameau, (Le Maître à danser, 1725), le roi et la reine ont ouvert le bal. Peut-être qu’alors le public était resté debout. Dans un bal d’apparat, si le roi et la reine dansent un menuet, alors ensuite le roi s’assoit tandis que la reine enchaîne le menuet suivant avec le premier des princes ; puis la reine prend place, et le premier prince danse maintenant avec la première princesse ; après quoi ce cavalier se retire et la princesse reste et danse son second menuet avec le second prince, qui ensuite restera au centre pendant que la première princesse se retirera pour laisser la place à la seconde princesse, et ainsi de suite jusqu’à ce que toute la cour ait pu danser.
La Princesse Palatine, qui a épousé le frère de Louis XIV, ne comprend pas ce que les Français trouvent de si passionnant à cette succession qui n’en finit pas de l’ennuyer. Peut-être préfère-elle assister à un spectacle, dans l’atmosphère fraîche du parc de Versailles ?
À ce stade des recherches menées pour le catalogue Cadanse, la pratique de la danse noble, en Suisse, ne semble pas mieux documentée que la danse noble française. Cependant, on trouve, également à Neuchâtel, les traces d’un bal organisé en 1842 en l’honneur de la visite du Roi de Prusse Frédéric-Guillaume III, de sa femme Louise et de leur fils. Une description relativement détaillée de cet événement a été trouvée, ainsi que deux petits cartons d’invitation.
Dans une autre gravure des Divertissemens, on voit bien quel peut être le dispositif de représentation d’un spectacle en extérieur, à Versailles, fusse-t-il de théâtre ou de danse.
Une partie du décor est « naturel » : il s’agit de la façade du tout premier château de Versailles qui sera pris en écrin dans la construction dont aura rêvé Louis XIV. Dans la cour, on a ajouté quelques arbres qui font office de pendrions et qui permettront aux acteurs comme aux danseurs de mieux faire leur entrée sur la scène. Quant au public, il est organisé presque comme pour un bal. Les monarques sont au centre, et leurs suivants répartis de droite, de gauche, ou derrière eux, en vertu de leur rang et des faveurs qui leur sont accordées.
Liste de noms [d’invités], 1842 © Droits réservés, Archives d’État de Genève, Fonds Martin de Tulette, archives privée. Cote :115.272
La liste d’invités trouvée à Genève est une source très intéressante. Elle témoigne de la tradition du bal bourgeois, qui, malgré toutes les interdictions de danser de Suisse romande, semble avoir été très vivante entre le XIXe et la première moitié du XXe siècle. D’autres sources renseignent elles aussi le bal bourgeois. Dans Pipes de terre, pipes de porcelaine de Madeleine Lamouillle par exemple, une description confirme que les bals bourgeois étaient certes réservés à une élite, mais pouvaient réunir un très large public. Selon l'auteur, ses maîtres d’origine aristocratique « […] donnaient deux-trois bals par an, où était invitée toute la haute société de Lausanne, du canton de Vaud, de Genève : ça faisait des bals de 250 personnes. F., le fleuriste de Genève, venait faire la décoration. Il y avait pourtant deux jardiniers à Valeyres ; on avait toutes les plantes, y compris les plantes de serre : des cyclamens, des primevères, des plantes vertes. Mais c’est F. qui apportait ses fleurs, qui venait décorer le Manoir. La pâtisserie venait par camionnette de la ville. Ces dames faisaient faire leurs robes chez les grands couturiers de Genève ou de Paris. Les modistes venaient exprès de Genève, en voiture, pour proposer leurs chapeaux, faire les essayages. »
Madeleine Lamouillle, Pipes de terre, pipes de porceleine, Genève, Zoé, 1978, p. 73—74.
Les ordonnances somptuaires réglant les dépenses des citoyens romands et veillant à limiter leurs excès, au profit de l’État, n’ont donc pas toujours raison de leur sens de la fête.
Néanmoins il semble que ce soit ceux de plus humble condition qui soient les plus touchés, puisque ce sont les lieux publics, où l’on boit et où l’on danse, qui sont les plus réglementés.
Carnet de bal © Droits réservés, Archives d’État de Genève, Fonds Martin de Tulette. Cote : 115.272
Le carnet de bal maintenu dans le fond Martin de Tulette est organisé en doubles pages qui chacune présente les comptes d’un bal. Il montre que chaque bal a ses spécificités : le nombre et la sorte de musiciens varient ; les entremets et les boissons ne sont pas toujours les mêmes ; les quantités de nourriture et de bougies sont changeantes ; et les décorations sont également différentes de cas en cas. Le carnet laisse par ailleurs penser que le nombre de participants est déterminant pour la plupart des choix des organisateurs.
Plusieurs informations permettent par ailleurs d’évaluer l’importance de l’événement : la présence ou l’absence de gradins, le nombre de lustres, le nombre de bougies, l’importance des coûts des décorations florales et de la nourriture ; mais aussi l’instrumentarium. Il faut que l’ensemble musical couvre les voix. Autrement dit, plus le nombre d’invités est élevé, plus les instruments doivent être sonores.
Toutes les informations recueillies sur une double page du carnet de bal du fonds Martin de Tulette montrent par ailleurs que le bal est de fait un événement qui tient de la fête comme du spectacle. Un bal permet en effet à certains de se réjouir, à d’autres de se donner à voir ou à entendre. Au travers de leurs prestations, les artisans eux-mêmes, fleuristes ou boulangers, se font certainement eux aussi connaître lors de bals.
C’est ainsi que le carnet de bal maintenu dans le fond Martin de Tulette est une source très riche. Entièrement dépouillée, elle permettrait d’écrire des pages entières de l’histoire de la danse sociale, à Genève.
Larionov, Michel, Grand bal travesti / transmental,1923 © Droits réservés, Musée d'Art et d'Histoire de Genève. Cote : E 96-0121
Certes, à en croire certaines affiches maintenues dans les institutions genevoises de conservation, la pratique du bal est étroitement liée à des enjeux financiers dès lors qu’elle est ouverte au grand public. Dans le cas du Grand bal travesti/transmental, il semble que ce soient les artistes qui voulaient faire une forme de levée de fonds. Cela dit, l’affiche du Grand bal travesti/transmental semble avant tout se référer à un événement artistique un peu dada qui s’est déroulé à Paris — et qui pourrait bien avoir eu ses équivalents genevois.
Le quotidien parisien Le temps, dans son édition du 2 mars 1923, laisse penser que l’événement avait été plutôt réussi. Il le relate en ces termes : « On avoue très volontiers que les Russes avaient décoré vendredi la salle de Bullier avec une fantaisie flamboyante et débridée, pour un bal travesti, et, disaient-ils, transmental : j’imagine que cette dernière épithète signifie tout bêtement “fou”. Le bal de Bullier a été très honnêtement transmental et, de surcroît, très amusant. Tous les pays de la terre, jusqu’au lointain Cipango, dont l’envoyé extraordinaire était le bon peintre Fujita, nu et peint par tout le corps, ainsi qu’une de ses toiles, de bleu pâle et de blanc lunaire, toutes les époques de la nature y étaient représentées. » Avec un tel événement, on voit que le bal peut se faire spectacle expérimental ; tandis que parallèlement, le danseur se confond avec l’artiste. Mais l’artiste pour autant danse-t-il toujours ?
Henri Fantin-Latour, Symphonie fantastique : un bal, 1888 © Droits réservés, Musée d'Art et d'Histoire de Genève. Cote : E 75-0131-060
La lithographie intitulée Symphonie fantastique se réfère très probablement au deuxième mouvement d’une œuvre du même nom, écrite par Berlioz, en 1869. Et les deux oeuvres semblent raconter une seule et même chose : l’impossibilité, pour l’artiste, de se mêler au « tumulte d’une fête ».
Dans la lithographie, la fête apparait au troisième plan de l’image. Elle est représentée par une foule qui danse sous la lueur aveuglante d’un immense lustre. La fête rend la foule compacte, inaccessible, anonyme. À en croire l’entassement des corps sur l’image, à observer ces bras qui enserrent ces cavalières, et à écouter la musique de Berlioz, cette foule semble animée par une valse.
L’artiste est au deuxième plan de l’image. Face au spectateur, il se refuse à la foule. On ne sait s’il est le peintre ou le compositeur. Et pour cause : tous deux ont une coiffure presque semblable. En quoi se rejoignent-ils ?
Enfin, au premier plan, on voit l’admirable dos d’une femme. Plus mobile que la foule, plus expressif que le visage de l’artiste, ce dos parle du désir de danser mais uniquement au spectateur de la scène — qui en est exclus, comme de la valse. Et la femme, et l’artiste ? Leurs regards ne semblent pas se croiser. Pire : l’homme, bras replié, semble vouloir se dérober autant à la femme qu’à la danse à laquelle il aurait pu l'inviter.
(ou comment transmettre la danse avec l’aide de l’écriture)
De Genève à Delémont, dès le XVIIIe et jusqu’au XXe siècle, même les cours de danse sont surveillés, limités, et parfois interdits. La danse hors contrôle est menaçante lorsqu’elle ne s’inscrit pas dans une politique précise, ou que sa fonction n’est pas très clairement compréhensible. L’écrire pourrait rassurer, puisqu’alors elle semblerait maîtrisée. Louis XIV, jeune monarque aimant les arts, avait pourtant supposé que la pratique de la danse était positive, et le rapprochement des corps, fructueux — y compris pour des questions politiques. La danse était à ses yeux un excellent moyen de représentation de soi et de consolidation de son propre pouvoir, aussi il avait institué une académie de la danse dédiée à la transmission de la danse. Cette académie devait développer un style national, et le divulguer. C’est ainsi qu’il avait soutenu une invention : la chorégraphie, ou l’art d’écrire la danse. Cette écriture avait cerné la belle danse, ce style noble et charmant, mais n’avait pas réalisé toutes ses promesses. Car la danse, même sous l’égide d’un despote, avait échappé au carcan des normes et des contraintes. D’ailleurs, dès le milieu du XVIIIe siècle, les formes dansées deviennent plus démocratiques. Des danses de couples et de présentation, on passe aux danses ludiques de groupe : quadrilles ou contredanses. Ces formes se notent elles aussi : soit avec quelques traits soit à l’aide d’explications soutenues par une partition musicale. Mais les contredanses annoncent la fin de la danse d’apparat ; et avec elle, la séparation entre la danse sociale et la danse spectaculaire se cristallise. Plus tard, à l’orée de la Seconde Guerre mondiale, d’autres formes de notation se développent : celle de Rudolph Laban a pour objectif de décrire toute forme de mouvement.
Réglement concernant les maîtres de danse,1786 © Droits réservés, Archives d’État de Genève. Cote : Placards et imprimés officiels, portefeuille 6, n° 626
Le Règlement concernant les maîtres de danse fait dans une certaine mesure écho à la création de l’Académie de danse, en 1661, à Paris. À Paris, en 1661, les enjeux de la création de l’Académie sont triples : établir une tradition française de la danse qui puisse en imposer dans le reste de l’Europe ; accorder le privilège de l’établissement des règles de cette tradition à certaines personnes ; réserver les bénéfices financiers de l’entreprise à ces mêmes personnes. À Genève, il est difficile de comprendre si précisément les enjeux du Règlement puisqu’il s’agit d’un document isolé. Néanmoins, à partir de l’obligation pour les élèves de prendre une série de cours consécutifs et de l’interdiction pour les maîtres à danser d’enseigner dans des lieux publics, on peut supposer qu’à Genève, comme à Paris, la danse tolérée est surtout celle des classes élevée ; et qu’elle nécessite donc un contrôle de qualité.
À Genève, bien d’autres textes légifèrent la danse. Ils rappellent que l’interdiction de transmettre la danse a certes des motifs, mais dont la pertinence se discute.
À Neuchâtel, l’archive intitulée Projet d’un nouveau mandement concernant le St jour du dimanche témoigne du long processus d’écriture et de réécriture de textes légaux concernant la danse. Elle présente en effet un texte à plusieurs couches, écrites, corrigées, tracées, reprises, réécrites. Et comme l’archive fait se côtoyer les graphies de plusieurs personnes, et des avis différents, elle restitue un dialogue un peu houleux sur la question de l’interdiction, ou pas, des danses. Les rédacteurs du projet de loi ne sont pas pour autant entièrement opposés puisqu’un objectif général les réunit. Dans tous les cas, les autorités veulent garder le contrôle de la danse et plus précisément de ses conséquences, soit en empêchant tout simplement le rapprochement des corps (et des classes sociales) soit en imposant au bal le contrôle social que Rousseau défendait déjà, quelques décennies plus tôt. En rendant le bal permis, alors il est officiel, donc maîtrisé.
Baron, Auguste Alexis Floréal, Lettres à Sophie sur la danse, Paris, Dondey-Dupré, 1825 planche 4 © MCTS. Bibliothèque d’art et d’archéologie de Genève. Cote : BAA JH 53
Contrairement aux Lettres sur la danse de Jean-Georges Noverre, qui présentaient une théorie de la danse, les Lettres à Sophie consistent en une histoire de la danse. L’auteur y fait preuve d’une certaine ironie. Parodie-t-il le genre épistolaire, le texte sur la danse, ou les deux à la fois ? Le lecteur en jugera, en lisant les Lettres ou les sept entretiens qui les suivent, et où l’élève et quelques invités dialoguent avec le maître.
Les quatorze textes qui forment les Lettres à Sophie sont organisés selon une logique thématique. Ils décrivent les arts chorégraphiques dans une perspectives téléologiques. Et ils s’ouvrent et se concluent par des partitions chorégraphiques.
La Chorégraphie, ou l’art de décrire la danse, paru en 1700, à Paris, est présenté par Raoul-Auger Feuillet. L’ouvrage marque le début des publications de telles partitions qui permettent la transmission de pièces chorégraphiques du style de la belle danse, du théâtre à la cour, et retour. Cité par Baron dans le second entretien, il donne quelques clefs de lecture des partitions :
« Moi — Il s’est formé une sorte d’art, nommé chorégraphie, avec lequel on écrivait la danse à l’aide de différents signes, comme on écrit la musique. Les Égyptiens avaient, dit-on, inventé des caractères hiéroglyphiques pour représenter la danse. Les Romains avaient découvert une méthode dont je vous ai parlé dans mes lettres, pour peindre le geste et l’espèce de danse nommée saltation. Les modernes perdirent cet art ; mais, en 1588, il fut retrouvé, au moins à ce que prétend Furretière, dans son dictionnaire historique, par un nommé Thoinet [sic] Arbeau, que quelques uns disent avoir été chanoine à Langres, et qui y fit imprimer un traité qu’il intitula Orchésographie. Je ne sais si ce livre existe encore quelque part ; je n’ai jamais pu me le procurer. D’autres assurent que la chorégraphie nous est venue de Hollande. Quoi qu’il en soit, Beachamps, danseur sous Louis XIV, lui donna une nouvelle forme, et en fut déclaré l’inventeur par arrêt du parlement. Le seul traité de chorégraphie que j’aie lu a été composé par MM. Feuillet et Desaix, maîtres de danse, et gravé à Paris en 1709 et 1713. Le hasard me fit tomber un jour ce volume sous la mais ; quand je l’ouvris, je le pris pour le grimoire de quelque livre de magie. D’une cinquantaine de danses qui s’y trouvent gravées, j’en ai détaché seulement deux, et les ai mises dans mes notes, pour vous les montrer, si l’occasion s’en présentait ; les voici ; l’une est une danse de Pécour, que l’on nomme La Conty, et l’autre est un couplet des Folies d’Espagne, avec un accompagnement de castagnettes.
Sophie — Ah, mon Dieu ! qu’est-ce que c’est que toutes ces lignes les unes dans les autres ; ces ronds, ces points, ces petites barres ?
Moi — […] [la] page représente la salle de danse elle-même. L’air noté tient, pour ainsi dire, la place de l’orchestre. Dans le fond de la salle, sont la danseuse, sous la figure de deux demi-cercles, et le danseur, indiqué par un seul que vous voyez en bas de la page. […] Les grandes lignes perpendiculaires ou courbes qui parcourent toute la page tracent le chemin que doivent parcourir dans la salle le danseur et la danseuse : ce chemin est coupé par autant de petits lignes qu’il y a de mesures dans l’air. […] Viennent ensuite les pas ; leur figure est exprimée par ces lignes diverses qui coupent le chemin. Ils commencent au point noir, et finissent par une petite ligne, qui forme avec eux un angle plus ou moins aigu […]. Quand les deux pieds doivent agir en même temps, ou que deux ou trois pas sont tellement liés ensemble qu’il paraissent n’en former qu’un, ces pas sont alors réunis par une ligne courbe. »
Baron, Lettres à Sophie sur la danse, Paris, Dondey-Dupré, 1825, p. 197–199.
Mais pourquoi Baron publie-t-il des partitions chorégraphiques un siècle après qu'elles soient tombées en désuétude?
Leeder, Sigurd, Notation de Danse macabre, 1980 © Droits réservés, SAPA, Fonds Sigurd Leeder
La notation de la danse évoque une pensée de la danse. Et leur conception graphique, géométrique, traduit une rigueur qui n’a rien à envier aux mathématiques.
La notation de la danse raconte par ailleurs une volonté de normer, de rigidifier, de raisonner la danse. Et en ce sens elle n’échappe pas aux dérapages du temps. C’est en tous les cas ce que soutient Laure Guilbert dans son livre Danser avec le IIIe Reich, Les danseurs modernes sous le nazisme (Paris, Éditions complexes, 2000).
Laure Guilbert explique : « […] l’ouverture du Bureau de notation au terme de l’année 1935, et la création du Reichsbund for Gemeinschafttanz en juin 1936, donnent une nouvelle impulsion aux recherches labaniennes sur la culture festive. La décennie précédente, consacrée à l’élaboration de la cinématographie, trouve son aboutissement dans le cadre des préparatifs olympiques, avec la mise en scène, en juin 1936, du jeu choral, Vent de rosée et nouvelle joie (Vom Tauwind und der neuen Freude). […] Rudolf von Laban renoue à cette occasion avec ses idées initiales de “maison kilométrique”, où “des milliers et des milliers peuvent participer de façon vivante à la joie du mouvement et ressentir les bienfaits de la vibration” » (p. 223). La chercheuse en danse cite par ailleurs Rudolph von Laban ; il affirme que la danse moderne « a une mission particulièrement déterminante à jouer dans le rythme de vie du Troisième Reich » (p. 225). Ainsi, ce serait non seulement l’artiste, mais aussi toute son entreprise d’analyse du mouvement par l’écriture qui serait compromise.
(ou comment transmettre la danse avec l’aide de l’écriture)
De Genève à Delémont, dès le XVIIIe et jusqu’au XXe siècle, même les cours de danse sont surveillés, limités, et parfois interdits. La danse hors contrôle est menaçante lorsqu’elle ne s’inscrit pas dans une politique précise, ou que sa fonction n’est pas très clairement compréhensible. L’écrire pourrait rassurer, puisqu’alors elle semblerait maîtrisée. Louis XIV, jeune monarque aimant les arts, avait pourtant supposé que la pratique de la danse était positive, et le rapprochement des corps, fructueux — y compris pour des questions politiques. La danse était à ses yeux un excellent moyen de représentation de soi et de consolidation de son propre pouvoir, aussi il avait institué une académie de la danse dédiée à la transmission de la danse. Cette académie devait développer un style national, et le divulguer. C’est ainsi qu’il avait soutenu une invention : la chorégraphie, ou l’art d’écrire la danse. Cette écriture avait cerné la belle danse, ce style noble et charmant, mais n’avait pas réalisé toutes ses promesses. Car la danse, même sous l’égide d’un despote, avait échappé au carcan des normes et des contraintes. D’ailleurs, dès le milieu du XVIIIe siècle, les formes dansées deviennent plus démocratiques. Des danses de couples et de présentation, on passe aux danses ludiques de groupe : quadrilles ou contredanses. Ces formes se notent elles aussi : soit avec quelques traits soit à l’aide d’explications soutenues par une partition musicale. Mais les contredanses annoncent la fin de la danse d’apparat ; et avec elle, la séparation entre la danse sociale et la danse spectaculaire se cristallise. Plus tard, à l’orée de la Seconde Guerre mondiale, d’autres formes de notation se développent : celle de Rudolph Laban a pour objectif de décrire toute forme de mouvement.
Marcantonio Raimondi, Quinze enfants dansants, 1535 © Droits réservés, Musée d'Art et d'Histoire de Genève. Cote : E 2015-0934
Les amours dansants forment une figure fréquente de l’iconographie italienne. Cette figure est ici déclinée avec inventivité, et presque fureur.
Tandis que deux anges musiciens sonnent l’air à l’aide d’un violon et d’une trompe, d’autres forment une chaîne en se tenant par la main. Il y a néammoins quelque chose de déchaîné dans le mouvement de leurs corps. Les enfants ne semblent pas suivre tous une même direction, et ne se meuvent pas régulièrement, bien au contraire. Certains se penchent, d’autres lèvent les yeux au ciel. Bien entendu, puisque ce sont aussi des anges, ou des amours, ou les deux, ils ne se soucient pas de décence.
Si cette image réjouit par son énergie, elle inquiète cependant aussi un peu. Quel est le monde évoqué, le paradis, ou l’enfer ; le monde des vivants ou des morts ; celui des hommes ou des dieux ? Et s'il s'agit de dieux, qui sont-ils donc pour être habités par la maladie de danser au point que les regards se perdent ? Dans ce monde étrange où se meuvent ces corps charnels — ou ces âmes innocentes —, tout bouge, tout branle et tremble.
Si d’un côté la représentation d’une danse menée librement et uniquement par des enfants semble appartenir à un monde parallèle, d’un autre, il a existé toutes sortes de formes de danse d’enfants tout à fait maîtrisées. Le carnet de bal du fonds Martin de Tulette maintenu aux Archives d’Etat de Genève témoigne d’un bal d’enfants tandis que d’autres sources renseignent la transmission de la danse comme sa pratique dans l’école romande du XIXe siècle.
Extrait du protocole du conseil d’État, séance du 22 aout 1914 © Droits réservés, Archives d’État de Fribourg. Cote : CH AEF DPd 1588
Plusieurs textes trouvés dans les archives témoignent d’une forme d’incompatibilité entre la danse et la guerre. L’Extrait du protocole du conseil d’État, séance du 22 aout 1914 en est une.
Mais en matière de danse, on l’a compris, on ne s’épargne aucun paradoxe. D’abord, l’enseignement de la danse dans les classes n’est pas sans rappeler d’autres souvenirs. La régularité des tracés dans l’espace et la terminologie employée pour désigner les pièces dansées rappellent d’ailleurs l’armée, voire la guerre.
Puis, l’armée, dans certaines circonstances, peut tolérer la danse ; et cela d’autant plus si cette dernière permet de mener des recherches de fonds. C’est ce que démontre l’affiche Grande soirée suivie d’un bal au profit du fonds de secours du bataillon 13 sam. 15 oct. 1938. Danser deviendrait-il alors le moyen de mieux tuer?
Enfin, en temps de guerre, on interdit parfois la danse, mais d’autre fois, on l’autorise. Pourquoi, pourquoi pas ?
Girardet, Samuel, La danse des morts, pour servir de miroir, à la nature humaine, avec le costume dessiné à la moderne, et des vers à chaques figures, Le Locle, [s. n.], 1786, p. 2–3 © Droits réservés, Bibliothèque de Genève. Cote : Ia 960 (1)
e-rara, collection en ligne de sources rares détenues en Suisse, contient une copie complète de l’original de La danse des morts, aussi il sera aisé, pour le public, de découvrir la richesse du livre, et la variété des figures représentées.
Tous sont voués à la mort dès lors qu’ils sont choisis, exprime essentiellement ce texte.
Contrôle des Permissions accordées en vertu de l’art. 3 de la loi du 13 juillet 1833 © MCTS Archives cantonales jurassiennes. Cote : 431 FM 2
En visitant les Archives cantonales jurassiennes, il est très intéressant de découvrir le fonds extrêmement riche de répertoires regroupant les autorisations de danser délivrées en temps de paix. Ces répertoires sont complétés par de très nombreux permis de danse témoignant de la lourdeur administrative qu’a dû représenter, pendant des décennies, l’organisation de bals populaires, de danses privées, comme de cours de danse dans les auberges ou ailleurs. Certains de ces permis démontrent cela dit la possibilité de s’arranger parfois relativement librement, entre soi, au nez et à la barbe des autorités bien (ou mal) pensantes.
La richesse de ces fonds est très éloquente. La région du Jura a été longuement sous domination bernoise, et dès lors que toute la population n’était pas consentante, cette paix était relative. L’organisation d’événements dansés semblent en somme presque relever de la résistance passive à l’ordre et la propreté bernoises.
(ou comment l’appellation « art vivant » explique que la danse ne s’écrive en principe pas)
De fait, l’écriture de la danse, qui est aussi sa mémoire, est souvent ignorée. Et lorsqu’elle ne l’est pas, elle est critiquée. L’écriture de la danse serait inefficace, inutile; scolaire, réductrice, voire castratrice. Elle ne concernerait ou ne fabriquerait que des danses sans intérêt.
Il est vrai que cette écriture peut être associée à des formes de danse destinées à marquer les corps, à les former, les déformer, les contraindre, ou les enrôler. Elle serait alors le prélude d’une gymnastique presque militaire : et sa fonction serait de renforcer la discipline, de faire entrer dans les corps comme dans les esprits qu’il n’y a rien de tel que l’obéissance.
Cela dit, quand la danse est érigée au rang d’un art, elle est également discipline de fer. Et elle nécessite elle aussi un contrôle sur la posture, le mouvement, le poids, la coiffure, l’habillement. Cette danse académique, pourtant, ne se note pas. Comment ne remarque-t-on pas que l’absence de l’écriture de la danse ne garantit pas qu’elle soit libre ? Ou encore qu’une danse sans écriture risque d’encourager le monopole de son savoir par une élite — que forment ensemble chorégraphes et maîtres de ballet — et donc une direction des corps forte, voire rigide?
La danse académique et la danse classique ne sont pas transmises par la notation ou l’écriture. Elles le sont par des croquis, des huiles et des sculptures. Et l’arrêt sur image, loin de figer la danseuse, devient le témoignage de la fluidité. Sans tuer le geste, le peintre, sensible, semble l’avoir pris au vol, délicatement, pour le déposer sur sa toile. La danse n’est donc pas que rigueur. Saisie, aurait-elle quitté l’éphémère ? Ou alors l’écriture de la danse l’aurait-elle rejoint ?
Fritz Allemand, Divertissements gymnastiques de l’enfance, Lausanne, Librairie Imer & Payot, 1882, p. 4–5. © Droits réservés, Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg. Cote : MUS PED XXI 4
Le traité de Fritz Allemand démontre que la danse a été enseignée à l’école, en romandie. Elle l’a été au titre d’une forme de gymnastique dont la fonction dépasse largement l’entrainement des corps.
Si les figures des danses sont enseignées, c’est au profit de l’intégration sociale des jeunes filles comme des jeunes hommes. Car la culture chorégraphique fait partie des nombreuses compétences à posséder pour trouver une femme, ou un mari. Peu importe si les familles se construisent sur le rêve de leur propre uniformité sociale ou sur celui de la progression économique des générations. Dans toutes les classes sociales, il faut savoir danser le menuet, la contredanse, l’allemande, la polka ou la polonaise, et, enfin, la valse.
Cela dit, le moment où montrer ses compétences chorégraphiques est soigneusement précisé par les détenteurs de l’autorité. D’ailleurs, en 1967, dans les régions jurassiennes annexées par Berne, non seulement le bal de la jeunesse doit pouvoir être surveillé ou ne pas durer excessivement tard dans la nuit, mais il ne doit pas non plus accueillir de personnes de plus de 25 ans. Alors certes, en Suisse, les mariages arrangés ne sont plus de rigueur, durant la seconde moitié du XXe siècle. Mais pour autant, la liberté de rencontrer sa·son conjoint·e en dehors de toutes les attentes sociales est encore loin d’être acquise.
Paul Renouard, La danse, vingt dessins, Paris, Charles Gillot, 1892 © MCTS. Bibliothèque d’art et d’archéologie de Genève. Cote : BAA IC F 149
Dans la filiation des peintres néerlandais, Renouard se livre à une forme de peinture de la vie domestique, avec ici la représentation de danseuses au travail, dans le studio, plutôt que sur la scène.
Les danseuses humblement représentées, telles des artisans, effectuent des gestes précis, et vérifient leurs outils que sont les habits ou leurs corps.
Barthélémy Menn, Études de mouvements, c.1870 © Droits réservés, Musée d’Art et d’Histoire de Genève. Cote : 1923-0088
« Études de mouvements » semble inviter à l’exploration, et rappeler que le dessin du corps en est la réinvention. Mais peut-être que le dessin est en réalité la théorisation d’une pratique, l’esquisse de sa transmission. C’est ce que laisse supposer le texte édité en souvenir de Bartélémy Menn, dans le Journal des artistes du dimanche 20 février 1898, à Paris.
« Autour de [Bartélémy Menn] s’étaient réunis quelques jeunes gens, d’anciens élèves aussi. Il leur apportait chaque jour le résultat de ses méditations, leur faisait, à l’aide d’une table « d’investigation », vérifier l’exactitude de toute question résolue, leur en proposait de nouvelles.
Dans la jeunesse radieuse de ses soixante-dix-huit ans, il leur indiquait, en les exécutant devant eux, quels exercices corporels font le corps dur, leur prouvait qu’un effort physique régulièrement répété développe et rend résistante la volonté en même temps qu’il montre à l’enfant les limites de sa sphère d’action. »
Sigurd Leeder, Notation de Danse macabre, 1980 © Droits réservés, SAPA. Fonds Sigurd Leeder
« Cinétographie » : tel est le nom donné à la notation inventée par Laban. Ce n’est pas lui qui théorise le mieux cette sorte de notation, mais ses successeurs, et en particulier Albrecht Knust puis Ann Hutchinson-Guest.
La cinétographie est un moyen d’analyse, de consignation, de conservation du mouvement en général. C’est aussi, parfois, le moyen de noter une composition chorégraphique.
Mais peu importe le système de notation chorégraphique. Il nécessite dans tous les cas de faire des choix. Car pour noter une danse, il faut cerner ce qui fait sa signature ; mais il faut aussi distinguer ce qui semble relever de sa substance de ce qui, au contraire, appartient à l’interprétation, au surplus ajouté par l’artiste dansant·e.
Anonyme, Sigurd Leeder enseigne la notation Laban à Londres, vers 1950 © Droits réservés, SAPA. Fonds Sigurd Leeder
« Dépendre totalement de l’inspiration est aussi dommageable qu’attendre un naufrage pour apprendre à nager. Tout abandonner à la spontanéité naturelle est aussi néfaste que de faire de toute chose le résultat d’une prédétermination mécanique. La spontanéité est géniale dans l’interprétation dramatique. La prédétermination de l’expression relève de l’art. La perfection est un mélange harmonieux des deux. Bien des grands artistes ne possèdent pas une once de génie. Bien des génies sont des artistes médiocres. L’artiste et le génie sont souvent des tempéraments distincts. Le grand artiste doit passer d’abord par le génie avant de devenir, par l’entraînement, artiste. L’artiste accompli est celui qui possède la connaissance libre et entière, la maîtrise et le contrôle de la totalité de cet appareil au moyen duquel les sensations de la vie, les idées de l’esprit et les affections de l’âme sont révélées. Connaissance, maîtrise et contrôle: avec cela, vous obtenez l’artiste. »François Delsarte (1811–1871), Cours d’esthétique appliquée, in Danser sa vie, écrits sur la danse, Centre Pompidou, 2012, p. 17.
(ou la danse vivante, intelligente, libre)
Certaines aventures artistiques permettent d’expérimenter une danse peu normative, qui résiste à tous les interdits. Elles sont initiées dans les années trente, se renforcent pendant la Seconde Guerre mondiale, et perdurent au-delà. Elles fleurissent tant aux États-Unis qu’en Europe, y compris en Suisse. Elles débouchent graduellement sur l’affirmation d’une danse moderne puis contemporaine qui, petit à petit, prend une place de choix dans le paysage culturel. Pour certains, la danse moderne puis contemporaine adopte des formes diverses : thérapeutiques, éducatives, expressives ou spectaculaires. Pour d’autres au contraire, l’expérience de la danse n’a pas à être cataloguée. C’est sa dimension artistique qu’il faut retenir, qui peut être accessible tant par la transmission, l’expérimentation, la performance (au sens d’acte, de mise à l’épreuve), la retranscription (par les mots, la notation, le dessin). En somme, dans de tels cas, il n’y a plus non plus de séparation entre la danse et l’écriture : toutes les deux appartiennent à un seul et même geste créatif. En outre, la danse contemporaine consiste aussi en une exploration systématique et analytique du mouvement. À ce titre, elle n’est pas plus extérieure à l’écriture que l’écriture lui est antinomique. Par ailleurs, elle trouve son écho dans d’autres explorations artistiques. En somme, la danse devient effectivement autonome mais sans être close sur elle-même ; elle se définit comme une discipline artistique mais se construit en dialogue avec la redéfinition d’autres disciplines. Parfois, elle se fait poème, tandis que l’écriture poétique se fait danse.
Atelier Boissonas, Rythmique dalcrozienne, vers 1913 © Droits réservés, Centre d’iconographie de la Bibliothèque de Genève. Cote : FBB P Ryth 048
Que l’image libératoire de ces femmes reste gravée. Oui, en son temps, Émile Jaques-Dalcroze mène sans aucun doute des recherches gaies, inventives, prometteuses d’un épanouissement de l’esprit comme du corps. Par son travail, il influence la danse moderne et contemporaine.
Pourtant cette filiation n’est ni très étudiée ni très valorisée. À Genève, tout au contraire, ce sont les oppositions entre la danse et la rythmique que l’on souligne le plus souvent ; et les sphères d’activités des uns restent d’ailleurs presque toujours pieusement respectées par les autres. Les clivages s’expliquent sans doute moins par les différences initiales dans la pratique que par les raideurs qui se sont instaurées, avec le temps, ou par les théories des uns ou des autres. Et pourtant, les théories elles-mêmes ne rêvent-elles pas d’une certaine souplesse ?
« La multiplicité des sentiments humains à exprimer exige la multiplicité des moyens physiques d’expression. Ceux-ci ne s’uniront et ne se combineront utilement pour l’expression de la pensée que lorsqu’ils auront été isolément développés. Il faut arriver grâce à une gymnastique spéciale à garantir à chaque muscle isolé la faculté d’agir (se tendre et se détendre) à volonté, comme de rester neutre lorsque son action n’est pas nécessaire à l’ensemble des mouvements. Un des meilleurs moyens d’assurer l’indépendance de chaque mouvement isolé nous parait d’en provoquer la conscience en l’exerçant simultanément avec d’autres membres et avec d’autres mouvements contrastants dont il ne doit pas subir l’influence réflexe. Il s’agit de canaliser les forces vives de l’être humain, de les disputer aux courants inconscients et de les orienter vers un but défini qui est la vie ordonnée, intelligente et indépendante. » Méthode Jaques-Dalcroze, 1re partie, volume 1, Paris, Neuchâtel, Leipzig, Sandoz, Jobin et cie, 1913, p. VIII.
Le corps et l’esprit souvent sont cultivés parallèlement, à l’intérieur des sphères d’influence, ou à leur périphérie.
« Fractie – étude M », extrait de partituurstructuur, les partitions chorégraphiques de Cindy van Acker, Genève, Héros-Limite, 2012, p. 57 © compagnie Greffe. SAPA. Cote : MA 3842 CH
« Cindy van Acker est donc une chorégraphe qui écrit des partitions. Certaines fois, tout se fait à la table, du cerveau au crayon, d’autres fois, dans un aller-retour du plateau à la page. La chorégraphe consigne d’abord sa composition à la main, et pratiquement toutes ses partitions tiennent dans un gros cahier à carreaux et à spirales, augmenté de feuillets volants : des ajouts, des repentirs, des mises au propre, des schémas annexes, des commentaires. » Michèle Pralong, « Des matrices génératives » in partituurstructuur, op. cit., p. 17.
« La partition est inscrite sur la cuisse droite de la danseuse, seule partie du corps qui permette, dans la position initiale, une lecture de la chorégraphie en temps réel […] la danseuse reste dans la même position durant toute l’étude. » « Fractie, Étude F » in partituurstructuur, op. cit., p. 52.
Costume de l’oiseau aux ailes dorées dans La Création du monde, recréation du Ballet suédois de 1923. Dessin © Millicent Hodson, 2000 ; costume © Kenneth Archer et Phil Reynolds, 2000 ; photographie © Yorgis Yerolymbos, 2018. Archives Fondation Fluxum. Cote : TEX_KARC_0298
"Costume de l’oiseau aux ailes dorées" témoigne de possibles échos entre histoire de la danse et pratique de la danse.
"Costume de l’oiseau aux ailes dorées" démontre qu’il n’existe aucune incompatibilité entre le passé et le présent, aucune limite dans les possibilités de réappropriation des travaux d’artistes disparus, et jamais aucune poussière sur les œuvres.
L’œuvre en danse, c’est l’esprit de la danse. L’esprit de la danse, sans mémoire, meurt. Au-delà d’une vie, la mémoire, sans l’archive, se perd. Et l’archive elle-même, sans être exposée, est vouée à l’oubli.
"Costume de l’oiseau aux ailes dorée" est la fleur de la présence d’un rêve de continuité entre création et recherche et entre recherche et partage avec le public ; sa trace, rare et précieuse.
Alma Oberson, Odyssée, note de travail © Droits réservés, Fonds Manon Hotte. Cote : 2.1.20.1 (7)
Ce texte d’Alma appelle une lecture silencieuse, attentive. Il éveille la conscience du corps du lecteur, et prolonge ainsi celle de la danseuse. Il témoigne d’un lien qui se tisse au fur et à mesure de la pratique comme de la réflexion en danse. En écho aux créations de Manon Hotte, il rappelle que les enfants danseurs sont des artistes.
Parfois.
Quand ils peuvent en prendre le temps et l’espace.
Ce qu’ils font alors résonne avec l’éternité.
Le texte d’Alma n’est ainsi qu’une petite fenêtre sur travail de la danseuse, chorégraphe et pédagogue Manon Hotte. Manon Hotte apporte en effet à Genève son travail d’interprète, de chorégraphe et de pédagogue. Ce travail peut être vu comme multiple, mais aussi comme un tout qui témoigne d’un regard bien spécifique sur la danse. La danse, avec Manon Hotte, s’inscrit radicalement dans le présent sans rompre avec le passé.
Le texte d’Alma, enfin, fait partie des pièces réunies dans le Fonds Manon Hotte, archives vivantes et évolutives, qui peuvent être visités et réappropriés par la danse, au Projet H107, 21, avenue des Tilleuls, à Genève. Le passé de la danse devient ainsi le point de départ de renouvellement.
Des indications complémentaires sont fournies par Manon Hotte: Les notes de travail de la jeune danseuse Alma Oberson pour la création de son rôle d’Euryclée dans « Odyssée » documentent le processus de création d'une chorégraphie de Manon Hotte, créée pour la Cie Virevolte, en 2014. Elles ont été rédigées en réalité en partie le 25 septembre et en partie le 2 octobre.
Paul Colin, Joséphine Baker, s.d. © MCTS. Bibliothèque publique et universitaire, Neuchâtel Cote : BPUN ICO PO ET 1/4
Du point de vue technique, la lithographie force l’admiration pour deux raisons. Premièrement, sa très grande taille, plus grande encore que celle d’une affiche. Et deuxièmement, la très grande qualité de sa rénovation.
Par ailleurs, sur le plan du contenu, la lithographie de Colin est d’une intelligence rare. Pour représenter le mouvement dansé, elle le capte, le déploie, le multiplie. Elle rend ainsi un hommage gai à Joséphine Baker, tenue pour l’une des figures qui a permis à la danse de se libérer des règles, des normes, et des peurs, peut-être.
Interscrire la danse : une coproduction de l’Association meta-cata-tanz-suisse (MCTS) et du Groupe Culture de l’AUBP. Médiation et recherche en danse de Dóra Kiss ; conception et réalisation graphique d’Aloys Mützenberg ; transposition informatique de WonderWeb : Fabrice Cortat et Emmanuel Piguet ; photographies pour les panneaux « La danse est morte, vive la danse » , 07, 18, 20, 28 de Gohan Keller.
Avec nos remerciements aux archivistes et aux bibliothécaires des institutions suivantes : Archives cantonales jurassiennes, Archives d’État de Genève, Archives d’État de Fribourg, Archives d’État de Neuchâtel, Archives d’État du Valais, Bibliothèque d’Art et d’Archéologie de Genève, Bibliothèque de Genève, Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg, Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel, Fondation Fluxum, Fondation SAPA, Fonds Manon Hotte archives vivantes, Musée d’Art et d’Histoire de Genève. Merci également à Philippe Constantin, Manon Hotte, Callirhoé, Denise et François Mützenberg, Anne-Laure Oberson, Megan Orsi, Charlotte Sebastian, Beate Schlichenmaier, Michel- Félix de Vidas.
Prix Swiss Dance Heritage de l’Office fédéral de la Culture ; cofinancement de la Loterie romande.